à  l’invitation  de Monsieur  le sénateur Bruno  ROJOUAN, membre de la Commission  de  l’aménagement  du territoire  et du développement  durable, au sujet des difficultés  grandissantes d’accès  aux  soins  dans les territoires et des « déserts  médicaux ».  Durée : 1h30 (14h30 -16h)

Présents :

– Anne ORTH (ACCDM-16, Charente) et Claudine LE BARBIER (ACDM-24, Dordogne)

– Bruno ROJOUAN , sénateur de l’Allier

– Nicole BONNEFOY, sénatrice de la Charente

– Grégoire BILLET, administrateur du Sénat

– Antoine STOOPS, administrateur du Sénat

– Charles-Édouard DOUBLET, collaborateur parlementaire

Points abordés :

Un questionnaire écrit nous avait été remis préalablement à cette audition, sur lequel nous avions travaillé Claudine et moi, de manière à étayer nos analyses respectives d’exemples circonstanciés et récents des réalités de terrain telles que vécues par nos concitoyens, en Dordogne et en Charente.

Je renvoie à  ce travail, qui figure en annexe et développe dans leur détail les points que je récapitule ci-dessous, tels qu’ils sont apparus  au fil de l’entretien dirigé  par M. ROJOUAN.

  • ROJOUAN renouvelle ses excuses pour les deux reports de cette audition, initialement prévue le 6 juin, d’abord reportée au 18 juin, puis une deuxième fois pour cause de dissolution de l’Assemblée Nationale par le Président de la République suite aux résultats des élections européennes.
  • Claudine LE BARBIER se présente, puis Anne ORTH; l’accent est mis sur les raisons qui respectivement ont présidé à leur prise de responsabilités au sein de l’ACDDM.
  • Point sur l’ACCDM: historique rapide, dimension nationale avec les antennes départementales, nombre d’adhérents en Dordogne, en Charente…
  • Mme LE BARBIER souligne la relative passivité de la population qui subit les difficultés d’accès aux soins sans trop se mobiliser ; Mme ORTH évoque la colère qui monte avec le sentiment d’abandon, l’écart entre les discours et les actes, la dégradation continue des services publics dans les campagnes, la « spirale du déclin ». Mme BONNEFOY note que cette colère trouve sa traduction directe dans la montée du vote RN en zone rurale, devenu majoritaire en maints endroits de la Charente.
  • Questions lancées par M. ROJOUAN qui, sans en suivre l’ordre, couvrent à peu près tous les champs développés dans notre étude (cf. annexe), et concernent :
  • La distorsion entre les besoins grandissants de la population et l’offre de soins; problème de nombre de médecins sur le terrain (insuffisant), de densité dans les territoires, de répartition avec les écarts devenus insupportables entre territoires bien dotés et déserts médicaux (points I-1 et 2 du Questionnaire, pages 1 à 3 de l’étude)
  • Les mesures préconisées par l’ACCDM (point II-12 du Questionnaire, page 10, 11 et 12 de notre étude), au premier rang desquelles la régulation d’installation des médecins.
  • Les populations particulièrement fragiles (point I-4b, page 4), lourdement impactées par les difficultés d’accès aux soins avec toutes leurs conséquences préjudiciables, depuis le renoncement aux soins jusqu’à ce qu’on appelle pudiquement les « morts évitables » – 2,3 années d’espérance de vie en moins dans les campagnes…
  • La réalité de la pauvreté dans les campagnes et ses conséquences médicales (I-2 et 4, page 3 et 4).
  • Les limites du numerus clausus, mesure en trompe l’œil : les Facultés de médecine manquant pour l’appliquer de professeurs, de locaux, de crédits (point II-10, page 10)
  • Les médicobuset les « cabinets secondaires » : point II-7, page 8. Ex. de BELVES en Dordogne.
  • Les bornes de téléconsultation (II-6, page 7). Leurs limites, les dérives possibles. La nécessité d’une « Charte des bonnes pratiques ».
  • La délégation de tâches par les médecins, la question des Assistants Médicaux et celle des IPA (Infirmiers de Pratique Avancée) ; les résistances du corps médical à ces nouvelles pratiques, qui leur permettent pourtant de gagner du temps et de se concentrer sur les consultations lourdes et les polypathologies, en nombre croissant avec l’augmentation des malades en ALD (II-5b, pages 6 et 7).
  • L’illisibilité des mesures et aides de l’Etat, système complexe d’attributions où tout le monde se perd – citoyens, élus, médecins eux-mêmes! Leur nécessité pour guider l’installation des jeunes médecins, mais leur insuffisance partout constatée avec le recul, face à la pénurie de médecins dans les déserts médicaux (II-5b, page 6).
  • La mise en rivalité des territoires qui se disputent les trop rares médecins susceptibles de venir s’installer : surenchères des offres, réveil des vieilles querelles, incompréhension des populations devant les disparités locales (ex. des cabinets vides de la MSP de Chalais en Charente, quand une autre à 20km de distance continue de s’étendre) ; la difficulté des collectivités locales à recruter des médecins, les conséquences et effets dominos : le manque de médecins pénalise l’attractivité d’un territoire, et le manque d’attractivité dissuade les jeunes médecins de venir s’installer ! (II-5, page 5)
  • Les Centres de Santé (II-5, pages 5 et 6), gérés le plus souvent par les Départements sur lesquels l’Etat se décharge d’une compétence qui pourtant est avant tout la sienne (cf. l’article 11 du Préambule de la Constitution). Le poids que les CDS font peser sur les finances des Départements, et les limites de ce type d’exercice de la médecine (volume horaire 35h, pas de visites à domicile, vacances, pas d’indexation des revenus sur le nombre de consultations ce qui génère des déficits).
  • La mise en application très controversée du décret passé en catimini le 29 décembre 2023 instituant les Antennes Médicales d’Urgence (II-9) en lieu et place des services d’urgence dans les « petits » hôpitaux de proximité, dans le but de prélever ici les urgentistes qui manquent dans les hôpitaux publics des grands centres urbains. Ex. de la mobilisation en cours à Barbezieux (Charente) pour sauver un SAU qui fonctionne par ailleurs très bien (II-9, pages 8, 9, 10), H24 et 365 jours par an là où les AMU entendent imposer la fermeture la nuit pendant 12h, entre 20h et 8h.

D’autres choix faits ailleurs, en Dordogne par exemple, avec le système EPMU mis en place par l’hôpital de Sarlat et qui semble bien fonctionner (II-9, page 10)

  • Pour terminer sur une note positive: certaines MSP tirent mieux que d’autres leur épingle du jeu. Exemples de SIORAC en Dordogne et de MONTMOREAU en Sud-Charente. Analyse des causes (I-3a, page 3)

L’entretien fut mené tambour battant, cordial et constructif. Il contribuera au nouveau Rapport que M. le sénateur ROJOUAN entend rédiger, dans l’esprit de celui qu’il a déjà publié en 2022, et l’espoir de convaincre ses collègues parlementaires du Sénat et de l’Assemblée Nationale que des mesures plus radicales, plus politiquement courageuses, aux effets plus immédiatement sensibles sur le terrain, doivent être mises en œuvre dans les plus brefs délais pour faciliter l’accès aux soins de nos concitoyens, en particulier dans les campagnes.

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